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A la première gifle…

Dimanche, jour des résolutions…

Première partie.

A la première gifle, Marie se tapit

dans un flou de lumière.

Elle avait encore un peu d’espoir ; cela ne dura pas longtemps.

Elle entendit

ses pas et sa voix rugueuse: 

 

 

« C’est pas vrai, je le crois pas ça, t’es même pas capable de me servir mon apéro sans saloper mon pantalon, un tout nouveau pantalon. »

 

Puis

elle entendit

 la porte de la salle de bains claquer. Elle eut donc un moment de répit, se releva et voulut préparer le repas. Tout ce qu’elle réussit à entreprendre fut de s’installer derrière cette horrible table noire qu’il avait cru bon acheter à la brocante dominicale, et de courber encore un peu plus les épaules.

Dans les gouttes de sang qui témoignaient de sa souffrance intérieure,

 elle entendit

 les paroles de sa mère peu avant son mariage : «  Une fille qui s’appelle Marie n’épouse pas un gars qui se prénomme Jésus. Marie était la mère et la servante de Jésus, ce type qui appelait sa mère  « Femme »!!!   A le voir se comporter avec toi comme  si tu étais sa chose, il fera pareil , tu vas être à son service, je te le dis, à son service !!! ».

 Après la naissance de Charlotte ( « ma » fille disait-elle à présent, jamais « notre » fille), ces prédictions s’étaient révélées exactes; elle avait  accepté de mettre fin à son contrat de couturière dans une maison de mode de la capitale.                                                                                                                                                                                                                                                                                                        Elle s’était laissé aller à

devenir sa chose à disposition…
 Mais c’était la première fois qu’il la giflait.

 ( La vérité veut qu’il ne l’ait pas vraiment giflée, juste repoussée; et qu’elle s’était cognée sur le coin de la table. Elle qui se cachait – à cette période de sa vie – dans un endroit sombre de sa dépression,  ne survivait qu’en effectuant quelques écarts  avec la réalité… Après tout, des milliers de terriens croient en la virginité de Marie de Nazareth  sans qu’ils aient à se faire soigner dans un hôpital psychiatrique… )

 Quand il revint de la salle de bains vêtu de son ridicule boxer dans lequel il pensait pouvoir toucher le gros lot à chaque fois, il s’excusa, justifia sa brusquerie par le stress au boulot, la pression quotidienne, la bêtise agaçante et insupportable de ses collègues, et … le prix de son pantalon . S’excusa encore, assura qu’il l’aimait et commit l’irréparable: il voulut la prendre dans ses bras.

Car ce que Jésus ignorait était cette évidence : dans cet enjambement de la vérité et

 dans ces gouttes de sang,

Marie avait également perçu  qu’un jour

elle oserait… 

Et ce jour, dénommé fortuitement

« ce dimanche »,

venait d’arriver.

 

Elle osa!

OSA!

Elle se leva, se dirigea d’un pas ferme vers le frigo et en sortit ce qui allait devenir l’arme du délit…  

 

 

Au temps passé, si peu passé, elle eut pris un bocal de confiture de groseilles rouges. 

Mais au temps de ce présent reconquis où elle commençait à

se hisser sur la pointe des pieds,

 elle se rendit compte que gaspiller cette confiture faite maison (1kg de fruits pour 100g de sucre fin, 100g de sucre gel fix  et quelques gouttes de citron – écraser et laisser macérer quelques heures, porter à ébullition …) était

 un sacrilège.

Aussi elle sortit  du frigo ceci                                      

 

 

 

 

 pour asperger de cette viscosité rougeâtre cela

 

 

 

 

Marie croisa les bras et toisa Jésus :

« Tu vas pouvoir le bouffer avec tes frites ! »

 lui cria-t-elle. 

Jésus considéra cet assaut comme une déclaration de guerre. Il se sentit crucifié  MAIS ne tendit pas la joue droite tant

 le sacrilège

 lui devint insupportable… 

La deuxième gifle

 (la première selon le point de vue) fut une vraie gifle cette fois, quoique légèrement adoucie par un retrait perceptible dans le geste dont la trace laissait une impression de regret, exprimait le souhait de supprimer la scène de cette amère, dangereuse et pitoyable comédie.

A cette gifle, Marie perdit sa flamme et aperçut  le vide de sa vie.                     

                                                                                                     Mais le coin était enfoncé dans la saignée, alors elle se redressa                                                               

    

 

et

OSA

 une nouvelle fois : « T ’as pas su résister à la tentation, Jésus ! Fallait que tu le fasses hein, depuis le temps que ça te démangeait ! »

 Elle prit les clés de la Peugeot 307 SW, et sortit précipitamment. Jésus lui cria : « Et Charlotte ? » Elle fit semblant de ne pas entendre, claqua la porte.

Chez ses parents, elle retrouva sa fille qu’elle appelait toujours d’un nom d’oiseau (« ma mésange, mon merle, mon rouge-gorge »)  et un court espace de dimanche paisible. Le visage défait, où l’on sentait malgré tout un frémissement de sérénité, elle expliqua par le détail les pourtours de ce qu’elle appela l’incident

Douée pour sonder avec justesse les regards,            elle lut dans celui de son père : « tu es certaine de ne pas l’avoir provoqué ! », dans celui de sa mère : « je te l’avais bien dit… » et dans celui de Charlotte : « J’ai appris, depuis ce temps où je me prenais pour un oiseau au milieu des déchets de fils à coudre, à faire le tri parmi les comportements des terriens. J’ai fait le tri et j’ai choisi. J’ai notamment décidé que ma référence féminine ne serait pas celle d’une femme qui vit tête baissée ! »

Alors, Marie osa ! OSA encore !

Retourna seule chez elle, affronta le regard de Jésus, haussa les épaules et lui dit : « Tu as le choix. Ou tu me fais le coup du jamais deux sans trois : tu me gifles une nouvelle fois et je te quitte. Ou tu acceptes que je reprenne mon boulot, tu apprends à te servir  ton apéro tout seul et j’ouvre cette fenêtre pour respirer enfin le plaisir de me sentir présente. Mais crois-moi, c’est vraiment la dernière fois que tu me touches. »

Jésus voulut affirmer qu’il ne l’avait giflée qu’une seule fois, et encore, avec regret. Mais il sentit ce propos déplacé.  Ne sachant que dire, que faire de ses gestes devenus pesants, où placer ses doigts de pied, son coude, ses épaules,   ni quelle  expression se donner il se décomposa en tranches de tomates au cul noir.

 Sa tête désolée devint celle d’un Jésus qui aurait changé l’eau en pisse de chat, ou aurait multiplié le pain de 600g par le nombre fractionnaire 2/100 ; soit 12 g pour nourrir des centaines d’immigrés palestiniens, un coup à se faire lapider comme une Magdalena des bas-fonds de Nazareth.

Il ne savait exprimer ses sentiments que dans les variantes de gris, alors il dit simplement : « J’ai profité de ton absence pour ranger la maison, aspirer les morceaux de fils qui traînaient sous ta machine à coudre, acheter du ketchup chez l’épicier du coin, jeter mon short ridicule dans la poubelle et mettre mon pantalon dans la machine à laver . Faudrait juste que tu me dises  le programme que je dois choisir, la quantité de lessive liquide et d’assouplissant à mettre. » 

Y a pas à dire : ce type, Jésus, savait parler à sa femme… 

Elle sourit.

 

 

 

 

 

 

……………………..Merci pour votre présence… Bonne semaine… Dimanche prochain:   « l’un aime l’une » -partie 1 ( rubriques articles +  Ecrits)…………………………………….