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Sous le marbre froid…

 

« Au commencement de ce monde, la mort n’existait pas. Tout le monde continuait à vivre. Et à la fin il y eut tant de gens qu’il n’y eut plus de place pour personne sur terre. »

Extrait du livre  » Partition rouge » – poèmes et chants des indiens d’Amérique du Nord .

 

 

Ces deux hommes œuvrent pour l’éternité : ils accomplissent  le plus important des métiers, ils construisent la dernière maison, la toute dernière maison des pauvres humains que nous sommes. De marbre vêtue, cette demeure sera celle du repos – enfin ! Alors, leurs doigts se font agiles, artistes et délicats…

 

    

 

 

 

Ces deux hommes ont le cœur habile, ils s’inquiètent des personnes à qui sera destinée leur œuvre éternelle. Aujourd’hui, leur habileté redouble d’efficacité. Une vieille dame, une grand’mère est décédée d’épuisement. Sa vie fut une vie, qu’il y a peu encore aurait été considérée comme une vie exceptionnelle-fort heureusement . Aujourd’hui, sa vie n’aura été qu’ une succession de faits devenus banals.

Sa fille s’est droguée, prostituée et l’a volée. S’est faite engrosser par un quidam sans scrupule et s’est suicidée. Cette grand’mère a élevé son petit-fils qui l’a épuisée pour les mêmes raisons…hormis le suicide…

Quand je vous ai dit que, de nos jours, ceci relevait du fait divers devenu courant… Dans ce marasme sordide, une chose pourtant est exceptionnelle et apporte une lueur -tardive- d’espoir: Ce petit-fils est venu trouver les deux architectes-maçons et leur a demandé de poser cette plaque sur la tombe de sa grand’mère. Puis, s’en est allé.

 

L’homme le plus âgé s’est détourné, il est fort possible qu’il se soit mis à pleurer…

 
 
 

Des preuves de vie…

  Faire son travail de deuil…ça a de la gueule quand même cette expression!!! Le deuil, décrété comme un travail, une besogne. Un devoir. Le mec qui a inventé cette savoureuse expression carrée devait en avoir dans le ciboulot: il s’appelait Freud. Lui? Le même? Oui, Sigmund. Le Sigmund??? Oui, oui, oui, celui qui a suggéré aux mecs de castrer leur père pour pouvoir se faire leur mère ou quelque chose de l’ordre de ce complexe…

Lu quelque part,

Freud décrit « le travail qu’accomplit le deuil » de la manière suivante:

  • la confrontation à la réalité: celle de la perte de la personne aimée. Cette épreuve de réalité exige le retrait de toute la libido, c’est-à-dire l’énergie psychique investie sur un objet d’attachement, des liens rappelant le défunt

  • la « rébellion compréhensible »: liée à la nécessité d’abandonner la libido. Ce travail nécessite beaucoup d’énergie psychique et de temps durant lequel « l’objet perdu se poursuit psychiquement ». Ainsi, progressivement le principe de réalité l’emporte dans le processus normal.

  • et alors, « le moi redevient libre et sans inhibition » avec l’achèvement du travail de deuil

Le moi de Lucy-Elena en était à cette étape de son travail de deuil, il redevenait libre et sans inhibition. Guillermo Tancrede était allongé dans une boite en bois de peuplier,   mort – comme Celui-Là – pour une question d’idéal et de coïncidence malheureuse.  Mort pour  l’avoir bien cherché.

Et Lucy-Elena quittait à présent son étouffant silence .

 

 Dans chacune des salles de ce funérarium, Lucy-Elena se mit à chercher tout autour d’elle des pulsions de vie. Elle trouva quelques liens et se demanda si les liens de vie étaient la vie… 

                                                                                                                         

      

 

 

 

 

Elle trouva des détails qui la rassurèrent: la vie fut, est et sera…

 

 

 Un ami d’études rendit visite et Lucy-Elena l’apprécia…puis elle réutilisa son portable et reprit l’usage de ses mouvements et le goût du moka chaud..

                                 

Et Guillermo Tancrede lui apparut soudain tel qu’il avait été et non tel  qu’il avait voulu être. Guillermo Tancrede avait été un type comme un autre;  la preuve? Cet accessoire de supporter de foot qui trônait au pied de sa civière. De la bière pour fêter une mise en bière…logique…

 

Lucy-Elena vérifia qu’elle était bien seule…

… et suggéra à la Grande Faucheuse et à  Freud d’aller se faire cuire un oeuf…

                                          

 

 

 

 

 

En cuisinant, elle redécouvrit des pulsions érotiques…Sigmund aurait été ravi!!!

 

 

Le Grand Cirque

Dehors, – 7°;  sur l’écran: un jour d’été…

Lui, L’ACROBATE, au centre du monde, l’AVENIR.

Sans un coup d’oeil pour ELLE, à la périphérie de son monde,  penchée sur ses cors aux pieds. Il tourne sur sa gauche, elle se trouve sur sa droite, on la distingue à peine, elle n’est même pas une ombre, comment pourraient-ils se rencontrer? S’apercevoir seulement…

Lui, debout sur ses ailes. A la conquête de sa vie. Au  carrefour de ses choix.Le Messie de ses rêves.  Décidé. Impétueux. Hors danger, il se forge une mémoire. Derrière lui, des semences en liberté. Devant lui, une vie, des points d’exclamation. Et faut pas commencer à l’emmerder avec des « fais attention à ceci, force pas sur ça ». Il a ses neurones installés comme une église au milieu de son village. Comme une certitude. La seule chose qui le fasse chier en ce moment est ce bordel de char d’assaut de vélo à la con, lourd comme un tracteur, vestige du bing bang, utilisé par les dinosaures pour trimballer leurs oeufs de dix tonnes. Et que les petits vieux qui l’attendent ne la ramènent pas…  SURTOUT PAS HEIN OU IL PETE UN CABLE !!!!

Elle, TRAPEZISTE RETRAITEE, loin du mouvement, à petits pas, le PASSE.

Repliée sur ses douleurs.  Courbée sous le poids de sa retraite. Elle, oubliée, s’oublie dans sa mémoire en lambeaux. Sous ses pas, une  ruelle sombre conduit au cul de son sac de noeuds. Derrière elle, une vie. Devant elle, un grand point d’interrogation, une grande peur. Une infecte appréhension.

 Alors surtout

qu’on vienne plus l’emmerder avec les histoires de famille à la mords-moi le noeud. Et que ses p’tits jeunes ne viennent plus essayer de la balader dans le bordel de leur vie.  

SURTOUT PAS HEIN, OU ELLE LEUR BALANCE SON DENTIER EN PLEINE POIRE AVEC LE SOURIRE DE LA JOCONDE EN PRIME !!!!!!!

Elle a assez donné! Un crachat bien graisseux de vieille rachitique par-dessus. Une pluie de pisse acide. Ouvrez le parapluie, le lama est de sortie.  Faut plus la prendre pour celle qui a bien le temps d’être là quand on veut qu’elle soit là. Elle est ailleurs la mémé.

Elle déroule ENFIN sa vie pour elle-même. Au plus près de ses cors aux pieds. De son cholestérol. De son arthrite. De ses jambes lourdes. 
A L’ENTREE DU TUNNEL NOIR… 
Ces deux-ci, cracheuses de feu , le présent.

Un arrêt sur images. Une douceur. Un silence. Une minute volée au temps qui passe.  Des mots qui disent tout et rien. Derrière elles, un trou noir, un oubli. Devant elles, un trou noir, un oubli. Entre elles, un café serré au chaud. Une halte. Un aujourd’hui. Une respiration.  Et puis une contraction.

Un  » PUTAIN DE MERDE, FOUTEZ-NOUS LA PAIX! DE L’AIR, DE L’ESPACE SI YOU PLAIT »

Un grand coup de latte à cette vie qui, dans son  bocal, tourne en rond.

On a beau avoir été poisson,

C’est pas une raison !!!

 

– Tu veux que je te dise? Tout ça, c’est du cirque. Du Grand Cirque. Une vaste piste aux étoiles filantes.

 – Quoi, ça?

    – La vie. Une comédie. Un cirque je te dis.  Tous des funambules. A chercher notre équilibre sur le fil des années. Y en a pour qui le fil de nylon est un câble bien épais et y a même un filet de sécurité au cas où. Mais y en a pour qui le fil est tout riquiqui et le filet troué.     

– T’as p’t êt’ raison.

– Tu sais quoi! A la nouvelle année, je souhaite pas « bonne année et bonne santé », je dis « bonne comédie et bon cirque ».

– Et moi, à Noël  je décore avec cette carte postale-ci…

FIN

Ceci est mon dernier article de l’année. J’hiberne et je me remets au boulot le premier dimanche de mars.

D’ici là, bonnes fêtes de fin d’année. Et encore merci d’avoir pris le temps de lire toutes ces élucubrations…et de rester branchés…

Entretemps, si cela vous intéresse, je compte publier chaque dimanche une série de photos sur http://vuedutreize.wordpress.com

Walter.  

la conversation

Lui, le papi,  promène son petit-fils là où son petit-fils l’emmène…

Il compte passer un dimanche paisible…

 – Papi, il pleut de la terre.

– C’est des gouttes, Naïm, c’est des gouttes, pas de la terre.

– Papi, ça vient pas du ciel.

– C’est comme une fleur de gouttes d’eau.

– ça pleut pas du ciel, papi.

– C’est une fleur de vie. Comme un tournesol. Tu vois elle monte, monte, se fait grande et belle puis quand elle a fini de grimper, elle baisse la tête et retourne d’où elle est venue.

– Maman aussi elle est grande et belle, elle  va se retourner quand?

– Quand tu seras très très grand.

– Papi, je veux pas devenir très très grand.

– …

– Papi?

– Oui!

– Tu fais pipi aussi haut?

Lui, le petit-fils,  emmène son papi  vers l’endroit qui fait chanter son  oreille…

– Regarde papi,  le monsieur il a juste une bouche. Il a pas de tête.

– C’est un musicien, Naïm.

– Moi aussi je voudrais avoir rien qu’une bouche, papi.

– Pour faire de la musique, comme lui?

– Pour manger plein de gros bonbons, papi.

– Les bonbons, c’est pas bon pour les dents.

– Regarde papi, c’est une bouche qui a pas de dents.

Et puis ils vont  là où l’ombre agrandit les pas.

– Papi, pourquoi il a un sac à dos le monsieur?

– Il part en vacances.

– Quand je serai grand j’aurai un sac à dos!

– Je te l’achèterai moi-même.

– Papi, pourquoi il se dépêche?

– Pour que son ombre ne le rattrape pas.

– Pourquoi, c’est dangereux une ombre?

– Parfois y a des gens qui font de l’ombre aux autres.

– Et c’est pas bien?

– Ces gens-là ils veulent prendre tout le soleil rien que pour eux et  ils veulent t’obliger à faire tout ce qu’ls veulent.

– Et si on veut pas?

– Alors ils te mettent à l’ombre. Mais faut les en empêcher, faut pas se laisser faire Naim!

– Papi, pourquoi mami elle dit quand y a du soleil fort, faut aller se mettre à l’ombre?

 Alors le papi ne sait  plus quoi dire, ses mots se serrent au fond de  sa gorge, plus un seul n’ose aller s’affronter à l’insouciance qui questionne. Ils sont là au milieu de leurs peurs irraisonnées, à se coller les uns derrière les autres, à n’espérer qu’une chose : s’asseoir sur le banc du fond de la classe. Le papi invite donc Naïm à s’asseoir dans le parc.

– C’est pas un banc c’est un livre avec des dessins, papi. Comment on fait pour aller à l’école avec, papi?

– C’est un banc Naïm et des gens l’ont abîmé. C’est pas bien, Naïm.

– C’est quoi le dessin?

– C’est le dessin d’un coeur.

– Et c’est pas bien de dessiner un coeur?

– Si, c’est bien mais pas sur un banc du parc.

– Et c’est quoi qui  est écrit?

– Je t’aime.

– Et c’est pas bien d’écrire je t’aime?

– Pas sur un banc, Naïm, pas sur un banc du parc. Celui ou celle qui a écrit ça n’avait qu’à le dire, pas l’écrire.

– Papi comment on appelle quelqu’un qui sait pas parler?

– Un muet, on dit qu’il est muet.

– Papi, peut-être que le monsieur ou  la madame qu’a écrit ça était muet.

 Alors, les mots du fond de la classe se sont alliés pour sortir de leur gouffre qui était devenu un cul de sac. Fallait qu’ils trouvent la parade pour sauver le papi d’une extinction de voix.

Ils se sont levés comme une armée de mercenaires et, d’une seule voix, douce mais ferme, ont proclamé : Il est temps de rentrer Naïm et sur le chemin du retour, on jouera à se taire. C’est un chouette jeu, tu ne trouves pas ?

– Papi, tu dis de se taire et tu me demandes quelque chose, je dois faire quoi?

Ce dimanche-là, le papi est resté couché tout le restant de la journée,  comme s’il était installé au fond d’une impasse, à contempler un Dafalgan occupé à se dissoudre dans un verre d’eau.

Bon dimanche sous la couette, avec un verre de vin chaud et des marrons grillés…

Bonne semaine.  

 

 

Des vies/des attentes

Dimanche d’été : une boulangerie de la Ville Haute…

 Il ne m’a pas cru cet ogre aux 4 baguettes de pain lorsque je lui ai dit qu’une vie était jalonnée d’une succession de moments d’attente.  « Quand tu espères, tu attends » , j’ai dit ça comme si je disais une profession  de foi.  « Tu fais fort quand tu te mêles de philosopher dans une file d’attente, un dimanche matin en plus! » ,  il a dit ça avec l’importance de quelqu’un qui mâche un chewing-gum.

 » Et en ce moment que fais-tu? », j’ai ajouté.  » J’attends mon tour. Je pense à l’apéro et au repas qui m’attendent », il a répondu. « Tu as bien dit – qui m’attendent! », j’ai fait remarquer. Il a tourné la tête.

Pendant qu’il attendait sa monnaie, j’en ai profité pour lui demander pourquoi, dans des moments de  déprime, on dit – j’attends plus rien de la vie. Il a haussé les épaules, a attendu qu’une vieille dame se déplace pour sortir et m’a salué en disant :  » J’attends ton sms pour savoir à quelle heure je passe te chercher demain. Salut. L’apéro n’attend pas ».

J’ai souri en le regardant presser le pas (  je l’imaginais n’avoir pu attendre son tour et avoir volé ces 4 baguettes de pain -ce qui justifiait l’impression de méfiance dans sa démarche :  il  regardait sur sa droite et semblait s’attendre à être poursuivi. Les 3 personnes qui l’encadraient n’attendaient que le signal du plus jeune d’entre elles pour l’arrêter…)

Je l’ai regardé attendre le passage  de plusieurs voitures avant de pouvoir traverser la route. Puis il a regardé sa montre. « On m’attend » disaient ses sautillements sur place. Et lui attendait de pouvoir déposer ses pains sur le plan de travail de sa cuisine.

Mon tour d’être servi est arrivé. J’avais suffisamment attendu. J’ai commandé trois croissants bien dorés, une gosette aux abricots, une brioche à tête,  un moelleux au chocolat, un cake au citron, et deux pains aux raisins.  En attendant d’être servi, j’ai pensé à quelques clichés que j’avais pris les jours précédents. Celle-là attendait son prince charmant, celle-ci qui l’avait trouvé parlait de l’attente angoissée qui l’habitait : demain elle saurait le résultat de son test de grossesse.

Sur d’autres clichés, d’autres attentes…

 » Si vous voulez patienter encore un peu, ma collègue va aller voir s’il reste des gosettes aux abricots »  a dit la jeune fille. J’aurais pas dû accepter. Après avoir attendu 5 minutes je me suis entendu dire qu’il n’y avait  plus que des gosettes aux pommes. Me dire ça, à moi qui déteste les gosettes aux pommes.

 » J’ai pas que ça à faire dans ma vie, attendre! » j’ai pensé en sortant de la boulangerie.

En rentrant chez moi, j’ai reçu ce SMS de mon ami l’homme aux baguettes : « T’ai envoyé un mail ».

Sans attendre j’ai allumé mon ordi et j’ai vu ce message:

 » Une tomate attendait une tomate qui attendait une tomate etc.

 

On espère ( puisque espérer c’est attendre) te voir à la maison pour le diner. Tu verras que j’ai bien fait d’attendre d’être servi.. »

Je n’ai pas attendu une seconde de plus.

Une petite heure plus tard, installé à la table d’hôte avec mes pâtisseries,  je n’ai pas été déçu…

A la rubrique – PHOTOS : « 5.AttendrE » , vous saurez pourquoi… N’attendez pas avant d’y jeter un coup d’oeil…

Bonne semaine… Semaine prochaine :  » la conversation »…

 

A la loupe : Léa – l’épilogue.

Epilogue de : « Ibiza, un dimanche  d’été »

Belle composition, cette photo d’Ariane .C.B. Un avant-plan qui conduit notre regard vers le sujet principal légèrement décalé vers la droite de l’image. Lui seul est en mouvement, ce qui prouve son importance, en tout cas l’importance qu’il donne à son charme.

Il se fait qu’il s’agit de  Luis Pinetto, celui-là même qui a  délaissé Léa pendant trois interminables jours, celui-là même que fixe la jeune femme à l’oeillet blanc. Cependant, en regardant de plus près ce cliché de retrouvailles, l’attitude des deux amoureux me laisse perplexe. Léa n’est pas vivante,

elle semble vivante.

C’est un peu comme si elle se cachait derrière un rideau.  Elle espionne, écoute, épie Luis, MAIS son messie la déçoit. La voilà figée devant une image brisée. Son rideau est un rideau de fumée. On peut la comprendre en observant les mimiques du jeune homme. Son Luis rigole, ne la regarde pas; ces trois jours et ces trois nuits n’ont été qu’un simple pas de danse dans sa vie. Pis, sait-il seulement qu’elle est là? Son attitude le trahit : Léa n’est pas son centre de préoccupation.  « Eh quoi je lui ai posé un lapin. Et alors? Se jeter à l’eau? Délire d’intello. Qu’est-ce qu’elle croyait,  cette conne? Que j’allais la pouponner toute ma vie!  » doit-il dire à celui ou celle qui dirige cette mob dance. Offusqués, au courant du projet de Léa, les autres danseurs ont cessé de danser!!!. Voyez le regard de la jeune fille au T shirt rouge, se retournant vers le jeune homme vêtu de noir: il en dit long… 

La passivité de Léa me désoriente. Après avoir entendu tout le mépris de Luis, elle devrait soit baisser la tête, soit  se retourner en pleurs et fuir. Ou alors se précipiter (on devrait voir son mouvement) vers Luis pour lui griffer le visage, lui cracher des insanités à ce m’as-tu-vu, ce blanc-bec rose, ce goujat surfait, ce faux-cul sans fond uniquement soucieux de sa belle gueule d’ange.« Tafiote, miasme, polymère, cul de sac, morpion, sale merdeux, vipère, carpette, bouseux   » devrait-elle crier.

Comment a-t-elle pu tomber amoureuse de cet égoïste? A moins que….

A moins que j’aie tout faux.

Ce type n’est pas Luis Pinetto. Ce type a simplement raté son pas de danse et s’en excuse. A y regarder de plus près, de très près, le jeune homme que regarde Léa se trouve au centre de l’image, vers le fond. Il a un Tshirt gris-bleu, la tête légèrement penchée. J’en suis convaincu:  voilà Luis Pinetto, au regard désolé comme un chien abandonné sur une planche à voile au milieu de l’océan!!!  Voici Luis Pinetto, flou comme s’il sortait d’un brouillard!!!

Dans son hésitation à fendre la foule pour se retrouver dans les bras de celle qu’il aime se  lit une supplication et une peur, dont l’origine est une question primordiale : « Va-t-elle accepter que je lui explique pourquoi je n’ai pu la rejoindre et  pourquoi elle n’a pu me joindre? » Sa façon de pencher la tête est une demande de pardon. 

Qu’il ne se fasse aucun souci. Léa garde les épaules hautes, ne courbe pas l’échine. Cette posture m’assure qu’elle s’émerveille de le revoir. Léa ne semble pas vivante,  

elle est vivante.

Ceci est ma certitude. Si la vôtre diffère, vous pouvez  me la signaler dans un commentaire…

J’oubliais, Léa tient en main ( mais étant donné la prise de vue cela ne se voit pas) un petit mot destiné à Luis au cas où elle le retrouverait ( ce qui est donc le cas).

J’oubliais, Luis tient en main ( mais étant donné la prise de vue cela ne se voit pas) un petit mot destiné à Léa au cas où il la retrouverait ( ce qui est donc le cas).

J’ ai pu traduire ces deux courts textes. Vous pouvez les retrouver illustrés de photos de couples, dans la rubrique  » EcritS ».

La semaine prochaine, à la loupe,  » une ville, une place, des vies … »

 Bonne semaine…  A dimanche…

Ibiza:un dimanche d’été/suite et fin.

Rappel: les photos sont toutes d’Ariane C.B. http://ari96.wordpress.com/
                      http://www.Artemajeur.com/acantabrejnik

Suite et fin d’une double méprise.

Ce que Maurice lut le fit frémir et le plongea dans un brouillard aussi épais qu’une brume d’août dans son nord. Le court texte d’une écriture énergique disait ceci: 

Luis,

Cela fait trois jours entiers que je t’attends sur ce banc. La bague que tu m’as offerte en témoigne. Tu ne serais donc qu’une fiction. Un mirage. Une grenade dégoupillée? Plus que ton Andalousie, tes bras me manquent. La nuit, je rode ici et  ton absence épaissit un peu plus les ombres. Aujourd’hui, c’est décidé, comme une bouteille, je me jette à l’eau.

Léa

A celui ou celle qui trouvera ce message, merci de le placer dans une bouteille et de mettre celle-ci à l’eau en direction de Grenade.

Dans un interstice de son frémissement, Maurice vit qu’elle s’appelait Léa et ce fut un rai de lumière.

Quand il reprit connaissance de son identité, il se rappela ne pas s’appeler Luis. Et il ne sut si cela était un coucher ou un lever de soleil.

 

 

 

 

 

 

 

Lorsque le sens du message s’empara de lui, Maurice hésita. Une jeune femme allait mettre fin à ses jours, là sous les yeux de vacanciers indifférents, et lui se trouvait chargé de dénicher une bouteille vide. Un instant dont la durée lui parut une éternité, sa vie devint un détail, une mise entre parenthèses. L’instant suivant qui ne fut qu’un réflexe, sa vie devint un affolement, une précipitation, une nuit noire.

Son appât photographique pendu au cou, il se précipita vers la plage. Tout semblait paisible dans le désordre des mouvements. Des maîtres nageurs surveillaient la côte. Personne ne se noyait. Il tendit l’oreille.Personne ne criait  » une femme à la mer « . Il croisa celui que les habitués de l’Atenea appelait: Mister Alex.

Lui, les yeux et les oreilles, le confident et le Dalaï Lama de l’endroit, devait SAVOIR. Sauf que derrière son sourire peace and love, il ne savait rien. Sauf qu’il lui dit sur un ton enjoué, incrédule et légèrement moqueur : « Où allez-vous chercher qu’une femme puisse se suicider, ICI, sur cette plage, sous ce soleil béni des dieux! On ne se suicide pas au paradis! »

Mister Alex pensa à Marylin Monroe, pour qui il avait de l’admiration. « Son paradis était un enfer intérieur » avait-il lu à son sujet. Mister Alex eut un léger rictus de la lèvre supérieure, signe qu’il se rendait compte avoir dit une absurdité. « Je vais  faire attention » ajouta-t-il simplement.

« Les cheveux châtains, noués par un oeillet blanc » fit Maurice avant de s’éloigner, convaincu à présent que pour se suicider, Léa avait choisi un rocher isolé.  Il regarda autour de lui. Des rochers, ce n’est pas cela qui manquait. Des touristes sur des rochers non plus. Il souffla quelque peu et reprit le contrôle de ses esprits. Pour se suicider, elle allait devoir choisir un autre moment de la journée.

Il fit alors ce qu’il DEVAIT faire, il entra dans une épicerie où l’on vendait des oranges bios et acheta une bouteille de jus qu’il s’empressa de boire. 

 

 

 

 

 

 

 

En enroulant le message dans la bouteille vide, il aperçut le verso de la feuille. Il aperçut d’autres mots tout aussi troublants:  » Oser t’aimer, je l’ai fait. Oser te quitter, pas encore, mais ce dimanche me donne la force de me jeter à l’eau:  je te donne 48 heures pas une de plus, mon beau salaud et j’ose. Te quitter, oui, j’ose »

Maurice ne sut trop que penser.

Que cachait cette expression  » se jeter à l’eau  » ?  

Cette femme au coeur fragile, tendre et dur comme  de l’opale venait de l’abandonner avec une énigme sournoise sur les bras. Sous les quarante degrés, il se  sentit glacé.

Il gravit le rocher d’où plongeait habituellement l’homme au peigne. Se tourna face au sud ouest et lança la bouteille à l’eau en  priant qu’elle atteigne la côte andalouse. Il se détourna des marques de désapprobation et rejoignit son hôtel où il se confia au responsable qui confia l’incident ( c’est le terme qu’il employa) par téléphone à un commissaire de la sécurité. Lorsqu’on demanda à Maurice la preuve écrite, il répondit que celle-ci naviguait en direction de Grenade. On le regarda comme si son  T shirt était couvert de pellicules. Dans la fraîcheur de la climatisation, Maurice eut une bouffée de chaleur. On l’assura de surveiller davantage la côte, mais dans un sourire entendu, on lui dit aussi qu’installer un policier derrière chaque baignoire privée nécessitait une dérogation particulière.

« C’est vrai. On peut se suicider dans une  baignoire privée de témoins » se dit Maurice.

Et il s’englua dans sa pensée unique qui ressemblait à une fin de saison, une plage abandonnée, un toit assiégé par l’orage.

 

A Carla et Raoul qui venaient de le rejoindre, il prétexta un mal de tête pour terminer la journée dans sa chambre d’hôtel.

Les deux derniers jours qu’il lui restait à passer sur l’île furent un supplice, une perte d’équilibre. Un éloignement. Un trou noir. Tout en mâchant des gommes entre deux Pina Colada  glacés, il écoutait les informations qui ne l’informèrent d’aucun cas de noyade. 

 » Je déteste les énigmes » pensa-t-il;

et ses mots furent des soupirs.

 

 

Dans le bus qui les reconduisait à l’aéroport, il  questionna les autres passagers. Aucune tentative de suicide n’avait été signalée. Il allait s’endormir lorsqu’il entendit Raoul lui dire:   » Hé ‘pa, t’es pas cap’ de danser sur la plage. » Maurice pensa cuire son fils à la broche. Mieux, le pendre par les pieds. Ou même l’immoler par le feu.

Ce qu’il vit  l’en dissuada.

 

Quelques dizaines de personnes dansaient en groupe sur la plage.

 

 

 

 

 

 

Il la reconnut, elle qu’il n’avait aperçue que de dos. Il la reconnut pour le regard qu’elle portait au jeune homme rayonnant au centre de son image. Ce jeune homme s’appelait, il en était convaincu, Luis Pinetto. Il sortit son Canon 40D, visa et appuya sur l’obturateur…  

– De la mob dance, dit Clara.

– L’an prochain, promis, on revient et on s’y met, dit Maurice.

– Oh non ‘pa. L’an prochain on visite les musées de Madrid. T’es pas cap’ de faire le guide,  fit Raoul.

Maurice ferma les yeux.

Deux raisons le firent sourire. L’énigme s’ était dissipée  et il se voyait en train d’arracher avec une tenaille la langue de son fils. 

Souriaient moins à cet instant, les plongeurs de la police maritime qui venaient de découvrir au large une bouteille contenant un message sibyllin…

 

 

 

 

 

 

FIN

Se termine ici une première série de courtes histoires imaginées. Je reprends mon souffle:))))

Dimanche prochain, autopsie de photos. « Léa: l’épilogue » et « L’homme aux baguettes ».

 Bonne semaine. Merci d’être présent(e)s.

 

 

Ibiza:un dimanche d’été/2ème partie

 Rappel: les photos sont toutes d’Ariane C.B. sauf une, que vous n’aurez aucune difficulté à reconnaitre.

http://ari96.wordpress.com/
                      http://www.Artemajeur.com/acantabrejnik

 

Assise sur le banc de pierre , Léa lui tournait  le dos. Avec cette jeune femme aux cheveux châtains noués par une pivoine blanche, Maurice croyait partager le même plaisir : celui d’épier les intimités et d’attendre.

Attendre le moment propice, cet instant sacré où la lumière atteint sa température idéale, pour, d’un doigt appuyé sur l’obturateur, violer l’objet, le regard, le geste, le mouvement. Dans un soupir d’aise. Sans aucun remords. Soulagé enfin du poids de son attente. 

De l’avoir vue fixer sur le capteur électronique de l’appareil photo qu’elle tenait en main, deux elfes dans le ciel et une dame au parasol,

Maurice en faisait une complice.

                                                                               

Comment aurait-il pu se douter  que quelques minutes plus tôt, dans un bar du centre ville, Léa, dont il apprendrait le nom peu après, venait d’écrire une lettre de mise en demeure à celui qu’elle attendait, là, sur un banc rugueux, la posture austère?

Luis Pinetto, son Andalou au corps souple, léger et soyeux comme une étoffe satinée, aux lèvres épicées comme une gousse de vanille,  était la seule préoccupation de cette femme qui s’oubliait dans un repli de sa solitude. L’absence de Luis Pinetto remplissait le centre de ses pensées, le centre de sa gravitation devenu aujourd’hui son centre de douleur et de colère contenues. Photographier les elfes et la dame au parasol n’était  qu’une preuve de son impatience. De son affolement.

Tout ceci, Maurice l’ignorait  lorsqu’il aborda innocemment la jeune femme. Sans quoi, il s’en serait allé chasser l’image sur  un de ces promontoires d’où l’on peut voir l’ivoire bleu de la mer.

IMG_1742 22oct10

Maurice aborda donc Léa avec la ruse élégante d’un Sioux. Il lui parla du Canon Ixus 95 IS rose fuschia qu’elle tenait en main. Il se crut subtil, et conquérant en disant ces banalités insipides: « Belle bête. Vous prenez des photos? »

Léa n’entendit de ce langage qu’un bruit s’ajoutant à celui de la plage. Rien d’autre que l’absence (L’ABSENCE) de son amoureux ne pouvait la perturber; sans cela, vindicative et sur ses gardes comme elle pouvait l’être, elle aurait répondu:  » Non je tricote » ou  » Tu te trompes d’adresse ».  Maurice insista : « – J’ai un Canon 40D et une longue focale performante. ( « una focal larga » – furent ses mots. (Il parlait couramment l’espagnol avec l’accent d’un français de Ronchin). Cette tirade commerciale tira un instant Léa du projet qu’elle comptait réaliser.

Débuta de cette façon l’invraisemblable méprise
 car 

 elle prit Maurice pour un de ces Vikings du Nord qui comptait bien, avec sa longue focale,  se  taper une autochtone ( c’est bien l’expression qui lui vint à l’esprit: « se taper une autochtone » ).

Dans son registre étendu des grossiéretés destinées à repousser ce genre d’assaillant, elle ne trouva aucun mot suffisamment à la hauteur. Elle choisit donc la formule de l’indifférence, continua à se taire, mais ne se résolut pas à cette défaite. Elle pensa bien  lui montrer le doigt d’honneur, au lieu de quoi, en femme bien élevée, elle leva la main gauche et de l’index de la main droite lui montra la bague qui se trouvait à son annulaire. Ce bijou nacré lui avait été offert par Luis Pinetto dans un magasin de Grenade, cette ville d’Andalousie où il étudiait l’architecture. « Gage de promesse. Promesse que je te rejoins cet été » lui avait-il dit. Et il lui avait donné rendez-vous le 13 août à 13heures13 sur leur banc, celui sur lequel Léa, ce 16 août-sans nouvelle de lui, sans qu’il réponde à ses messages- se méprenait sur les propos d’un amateur d’images.

Débuta de cette façon l’invraisemblable méprise – et avec elle, le doute –

 car

Maurice prit ce geste pour une invitation.

 »  Elle me donne rendez-vous à 5h !  » pensa-t-il.

Il  hésita. Se retourna, confus.  Ses sentiments se partageaient entre l’émoi, la fierté, l’envie, la retenue, la déception et la répulsion.

Sur sa gauche, le paysage idyllique « sea-sex and sun » rendait la proposition décente. 

      

Sur sa droite, ce garçon sur sa trottinette exprimait toute l’indécence de la proposition: il était marié avec une femme qu’il aimait- (vrai de vrai) , père d’un enfant de cet âge, suffisamment déluré pour lui dire, droit dans les yeux: « Eh ‘pa, t’es pas cap’ de faire de la trottinette! »

Maurice doutait. Il n’avait jamais pensé tromper sa femme et voilà qu’aujourd’hui une inconnue installait le déséquilibre dans ses sentiments. Il s’éloigna sans savoir trop si ce mouvement exprimait le désir d’en découdre ou s’il signifiait un rejet pur et simple. Désirant trancher dans le vif de son hésitation, il se retourna. La jeune femme avait disparu. Il fit demi-tour, s’approcha du banc et découvrit sur sa gauche, à même le sol, un petit caillou sous lequel se trouvait une feuille de papier blanche. Il se pencha et d’un geste hésitant, ramassa la feuille.

Ce qu’il lut le fit frémir. Et le plongea dans un brouillard aussi épais que la brume d’un soir d’août dans son Nord.
    

Suite et fin (promis,juré) semaine prochaine : Bon dimanche et Bonne semaine. Bon congé du 1 novembre.

Merci d’être toujours là.

 

 
 
 
 

Ibiza: un dimanche d’été /1ère partie

 

Avant-propos : les photos ont été réalisées par Ariane C.B, utilisées avec son accord pour imaginer cette nouvelle. Ariane C.B habite sur l’ile d’Ibiza. Photographie les détails, les ombres, les gestes. Aime s’attabler au bar  » Toulouse Lautrec » pour boire un café, fumer une cigarette,  et lire…

Ses deux sites méritent une visite :

                       http://ari96.wordpress.com/
                      http://www.Artemajeur.com/acantabrejnik

Le dimanche est une huile essentielle. Citronnée et douce. Une huile de mélisse.

Autour de l’île d’ Ibiza, l’eau est également une huile essentielle. Marbrée et lascive. A l’odeur résineuse. Une huile de pin sylvestre. Selon l’orientation des vents, l’île transpire le pin, l’herbe fraîche, la tomate séchée, la gelée de coing, le safran, le fruit de mer. Ibiza respire le large marin.

Ibiza est comme un dimanche. Une lumière. Une issue. Une migration. Un vent léger.Une partie de dominos.

 

Certains résument l’île à cette plage bondée. Le couple que vous voyez là, ne se contente pas de cet artifice.

Lui et elle voulaient visiter Madrid- Investir le Prado et  le musée Thyssen. Longer la Gran Via,  la Puerta del Sol. Visiter encore le Musée Reine Sofia et la cathédrale de la Almudena. Au détour d’une conversation, ils se souvinrent qu’ils avaient un fils de neuf ans. Ils optèrent donc à contrecoeur pour cette île des Baléares au relief accidenté, au littoral découpé. Ils furent donc pour quelques jours des numéros gagnants pour les tours opérateurs et les promoteurs immobiliers.

A leur rejeton un temps oublié, ils imposèrent de longues promenades. Ils s’imposèrent par la même occasion ses réflexions.

– Toi aussi, tu devrais faire du body-building, papa.

Et le père qui ressemblait à s’y méprendre à un long haricot vert se vengea en le guidant vers les lignes géométriques, les nids d’ombres et de lumières, les contrastes et les noirs profonds qui constituaient son fond de commerce: sa passion pour la photographie.

 A cet endroit plus éclairé, l’enfant un instant oublié, ne put s’empêcher, en admirant l’homme au peigne, de se rappeler à son mauvais souvenir: – T’es pas cap’ de plonger comme lui, ‘pa.

C’est alors que le père qui préférait le journal Libé à la Gazette des Sports se décida. Il sortit son ustensile. Et cela produisit l’effet escompté…

– Encore! T’es chiant ‘pa! ( rayon vocabulaire, le fils en connaissait un bout! Quoiqu’il faut bien admettre que « chiant » a plus de saveur persuasive que « embêtant »,  » énervant » ou autre terme générique tout aussi insipide. Son odeur pénètre et dégoûte. Dans ce cas, Raoul – le fils –  avait pleinement raison. Oui, le père avait insisté pour que le fils s’appelle Raoul, par admiration pour Raul Paz, le chanteur cubain.  )

– Remets ton attirail, Maurice. C’est pas le moment. Un jour, quelqu’un  va te dénoncer. Au minimum tu seras accusé de voyeurisme !!! ( oui, aussi bizarre que cela paraisse, il fut baptisé Maurice par son père, délégué syndical dans une usine du Pas de Calais, en mémoire de Maurice Thorez, militant communiste, à l’époque où cela avait encore un sens)

Mais Maurice ne remisa pas son attirail; que du contraire il le soupesa, en caressa la texture et fut pleinement reconnaissant au destin d’avoir pu posséder un tel outil performant.

– Viens, m’man. On va le laisser faire. Un jour ça lui passera.

– Je te laisse une heure, pas plus, et tu nous rejoins au Golosinas Santa Cruz,  dit Carla ( oui on l’avait prénommée Carla par admiration pour Mick Jagger qui, un temps, eut la plaisante idée de passer quelques nuits avec la Bruni bien avant que celle-ci ne devienne l’alibi  d’un président de république.) 

– Ouais ‘man, il y a plein de  fraises tagada, des boules de gomme, des caramels mous,durs,des pâtes de fruits et des sucettes.

– OK Maurice? insista Carla qui se voyait déjà en train de déguster, dans un petit bar sombre de la ville haute, une sangria, ce nom qui roule sous la  langue.ce mélange savoureux de  Sangre de Toro, de quartiers d’oranges et de citrons pelés à vif, de sucre, de rhum, de girofle, de cannelle et de poivre. 

 – Excusez-moi. Mais vous savez bien que je ne peux pas m’en empêcher. C’est devenu une maladie, dit Maurice, je vous rejoins dans une heure.

Et il partit en direction d’un banc sur lequel se trouvait une jeune femme. Une jeune femme qui devint sa proie…

A suivre… Dimanche prochain, sur les traces de ce voyeur-violeur…

Bon dimanche. Bonne semaine.

Merci à Ariane C .B.

 

 

L’homme élégant:l’enquête

Suite semaine dernière: « L’homme élégant » – Les mots soulignés font référence à la rubrique – photos « 4.2 : l’enquête »

Je me suis adressé à Robert (Bob le marin d’eau douce). Robert sait tout du quartier, surtout ses indiscrétions. De l’homme élégant, voici ce que jai appris. Il vit au-delà d’une ruelle, là où la lumière surgit. Il vend des notes de musique.  Travaille aussi  le samedi soir comme serveur dans un restaurant de la villeRêve de  hauteur. Et surtout fréquente un magasin de fleurs chaque dimanche matin depuis près d’un mois. Sous un prétexte essentiel et troublant: son coeur s’imbibe de bonheur dès qu’il voit la vendeuse de fleurs, à qui il pense à chaque bouffée d’oxygène. A chaque fois le même dialogue:

Lui: – Des ancolies roses, Mademoiselle, s’il vous plait.

Elle: – Bon choix, Monsieur. J’ajoute une carte? C’est pour offrir?

La réponse de l’homme élégant varie peu: « Pour ma mère », « Pour ma soeur », « Pour ma cousine », « Pour mon père ». Une fois, elle s’étonne:

Elle: – Pour votre père?

Lui: – Euh, oui mon père est jardinier.

Le mensonge se lit sur son visage. Elle sourit. Une autre fois, elle dit ceci qui va le décider à OSER:

Elle: – Les fleurs ont un langage, monsieur. Savez-vous la signification des ancolies?

Il hoche la tête et entend ce qu’il souhaite entendre:

Elle: – Je suis fou de vous.

Il tend l’oreille, croit avoir entendu « je  suis folle de vous ».

Elle: – Oui, on offre en général ces fleurs à la personne dont on est follement amoureux.

Elle éclate d’un rire de confiture aux framboises et ajoute:

– Vous êtes follement amoureux de votre famille, apparemment…

Cette conversation douce  le décide, ce dimanche où je l’ai suivi, à OSER.  Chez lui, il prépare mille fois sa phrase devant son miroir. Il  bégaye, mélange les mots. Mais aujourd’hui il est prêt, il va lui répondre:

« Maintenant que je connais leur signification, ces ancolies roses je vous les offre. »

Il sait qu’il va rougir, baisser la tête.

Mais les dimanches ne sont pas toujours des films à l’eau d’ancolie rose.

Tout au long du chemin qu’il parcourt d’un pas décidé, il répète sa leçon. Il ne sera pas interrogé. Arrivé à deux pas de l’endroit considéré encore comme un paradis, il voit une jeune femme, il  la voit, ELLE, sortir en compagnie d’un jeune homme et d’un bouquet d’ancolies roses. Un instant il se dit qu’il doit s’agir de son frère, son cousin, à la limite un copain. Mais l’homme élégant n’a pas encore perdu toute sa tête, il sait encore faire la différence entre un baiser familial ou amical et un baiser de film d’amour. Et le baiser que ces deux-là se donnent ne laisse planer aucun doute. La vendeuse est amoureuse, mais pas de LUI –  l’homme dégoulinant de tristesse. Les ancolies roses sont à présent des mélancolies noires. L’homme triste fait demi-tour. S’assied sur un banc public. Déchiffre ces gravures dans le bois. Laisse pendre les bras le long de ses jambes trop longues. Baisse la tête sur sa poitrine trop lourde. Et sanglote. On dirait un pantin désarticulé. Une chose oubliée. Juste une chose. Perdue. Inerte. Il relève lentement la tête, observe les statues qui ornent le parc, se demande lequel de ces personnages-là il est en ce moment. Sourit amèrement. Mais avec élégance. Car cet homme reste ce qu’il sera toujours: un homme élégant.

Rentré chez lui, il se promet de ne plus tomber amoureux d’une fleuriste. Et si un jour sa route   le conduit -ENFIN- vers le grand amour, ce qu’il offrira  à sa Dulcinée ne sera pas un bouquet de fleurs, ce sera un énorme bouquet de légumes. Voici d’ailleurs la liste qu’il vient d’établir: vingt choux de Bruxelles, une pastèque, deux cornichons, une courgette, trois chicons, quelques brocolis, une salade romaine, quatre feuilles de roquette, un chou de Pékin  MAIS SURTOUT PAS de choux-FLEURS.  

Non surtout pas de choux-FLEURS…, ça tombe bien, son épicier n’en vend pas…

BoN DimanchE. La semaine prochaine,  une île, un nom élégant qui siffle comme une mélodie: Ibiza. Bonne semaine.

L’homme élégant

Biennale de Charleroi-Danses.

Spectacle: « Danses du Quotidien ». Mise en scène : Flavia  Ribeiro Wanderley. Danseurs : des citoyens de Charleroi.

(Voir rubrique PhotoS : 4.1 l’homme élégant: DanseS Du QuotidieN)

 

 

 

 

Le dimanche a l’élégance de cet homme-ci, lorsqu’il apparait hors de la pénombre.  Comme lui, le dimanche joue de son corps comme d’un éventail. 

  En contrebas, sur la scène sombre, l’homme élégant esquisse nos gestes quotidiens.

 

 

                                                            Tout va vite, c’est un tourbillon.

Voilà donc la vie. Des frôlements, sans plus, des contorsions, des contenances toujours.  

Parfois aussi, une caresse, un instant figé. Une respiration. Un souffle frais.

 Et à nouveau le déferlement.

 
 
 
 

  Dans cette cohue, l’homme reste élégant. Ses gestes sont des gestes de cygnes. Ses gestes sont des signes. Ses pas sont des pas d’élans. L’homme élégant est un élan. Un dimanche. Une chanson de geste. Une onde. Une tenue. Un cuivre.Sur le fond de la scène,  les aiguilles  de la vie tournent, imperturbables. Le temps s’écoule. Avec en ligne de mire, au loin, ce jour que l’on veut au plus près, ce jour où chacun est son Seigneur: Dimanche, Sunday, Domenica, Zondag, Sonntag, Domingo…Ce jour où, entre le lever et le pousse-café, les heures enfin ne comptent plus. 

Dans ce bistrot à l’heure du café serré, j’écris ces lignes en pensant à l’homme élégant.

Une conversation me distrait, ces deux joueurs  parlent haut et cela m’agace.

L’un d’eux s’appuie sur sa queue ( par queue,  il faut entendre « queue de billard… ») et demande:

– Comment va Kevin? Remis de ses émotions?

– Sa mère est une militante écolo. Elle lui a dit que c’était à cause d’une marée noire. La pollution des mers par les navires. Tu vois le brol!

– Et?

– Ils ont mis l’ours sur la cheminée comme preuve de la saloperie capitaliste.

– Sorte de trophée.

– Une relique pour prier. Et les deux amoureux? Tu as des nouvelles. Toujours amoureux?

– Y se voient plus. Gabriel, il fait géologue, il  a envie d’étudier la calotte glaciaire et Charlotte, elle fait peinture aux Beaux-Arts.

– Je te dis un jour y vont se revoir, y sont faits l’un pour l’autre.

Ces cancanements  m’empêchent de rédiger. Je suis prêt à m’en aller lorsque l’un d’eux dit ceci qui fait mon affaire:

– Et l’artiste?

– Notre citoyen-danseur? Celui au prénom qui se réclame du Christ?

– Oui, le danseur qui habite au bout de la ruelle. Celui qui a de la prestance comme dit ma femme. Celle-là elle en rate pas une. 

– L’élégant! Oh, lui, côté amoureux, il est pas dans la merde.

– Personne ne lui a encore  rien dit ?

– Rien, nada, quedalle. C’est pas nos oignons. On sait pas sa réaction quand il saura.

– Toujours les mêmes fleurs?

– Toujours des ancolies roses…

– Putain, le mec, il est mordu jusqu’à la moelle!!!

–  Je préfère pas être là quand il saura.

– Et elle,  toujours la même question?

– Oui, toujours!

– Et sa réponse, à lui?

– A  quelques variations près, toujours pareille.

– Pour un type qui fait de la scène, il a pas beaucoup de flair.

Ce que j’entends excite ma curiosité. Je suis ferré comme un vulgaire gardon. Ce mystère me met en appétit. Il faut que je mène mon enquête….

 

(suite dimanche 26)

– suite de « Dimanche 26, elle le força à scruter son regard »-

Rien ou Tout. Ange ou Démon.

Dimanche 3 octobre. Même escalier.Même palier.Même porte. Pas le même écriteau:  « aujourd’hui 7 ok for me ». Derrière la porte même cube à elle. Elle, Charlotte, même position, même windows live messenger, tapote sur son clavier. Elle converse avec Gabriel . Son amoureux. Et sa conversation est une interrogation cette fois.

Elle: – 7 toi?

Lui: – tu vois bien 7 écrit en bas à gauche

– je veux dire 7 toi qui as fait ça

– fait quoi?????

– tu sais bien

– ?????

– fais pas le malin

– pas de photo?

– celle-ci

– l’air perdu  toujours sur ta banquise? comme un ours blanc

– justement

–  justement quoi

– le fils de ta voisine

– quoi?

– ma tante habite ta rue

– je sais et alors

– elle sait

– tu es lourde

– ta voisine lui a dit qu’on avait volé l’ours blanc de son fils

– il avait pas fondu?

– qui?

– l’ours blanc

– con dans la rue il avait sa peluche dans la main près de sa mère un gars est arrivé cagoulé a piqué la peluche du gosse un ours blanc

– qui? le gosse?

– la peluche je rigole  pas il a pleuré

– elle a pleuré

– ???

– oui la peluche elle ELLE a pleuré

– 7 toi le mec qui a fait pleurer Kevin 7 toi qui as fait  le coup

– pourquoi j’aurais fait ça

– à toi de me le dire

– attends la photo ici kès tu lis

 

Elle : – supplie il supplie

– exact il supplie quoi

– que tu le rendes

– scrute mieux

Elle : – pareil supplie pour retrouver Kevin

– aut’chose

– vois pas

– te supplie toi

– ???

– supplie que tu reviennes

– suis pas partie

– si supplie que tu reviennes du pôle nord pour toujours tu te souviens dimanche passé la banquise

 – et alors

– regarde moi aussi supplie

Elle : – trop fort kès tu comptes faire

Lui : – chantage

– ????

– tu reviens du pôle nord je rends

– suis revenue

– prouve-le

 

 

 

 

Elle : – regarde je souris maintenant prouve que tu me pardonnes

 

 

 

 

 

 

 Lui : –  avant scrute et promets que tu retourneras plus là

Elle : – où

– au pôle nord jure et fais plus chier avec ça

Charlotte hésite. Elle ne peut jurer de rien. Et ce ton agressif l’étonne. Gabriel ressent cette réticence. Clique sur la croix qui clôt la conversation. Et cherche un objet  sur lequel exprimer son courroux. Voilà l’explication du drame: le pogrès technologique. Si cette histoire se passait dans les années ’70, ce jeune homme déçu jusqu’à la révolte utiliserait  un de ces anciens postes de téléphone pour converser. Raccrocher violemment le cornet, jeter l’appareil contre le mur du salon et étrangler ( faire semblant…ok) son hamster avec le cordon auraient suffi à le calmer. A notre époque de la miniaturisation, un clic sur une croix n’apaise pas. Balancer son portable  dans l’escalier? Faut pas exagérer. Gabriel regarde autour de lui…et voit la peluche. Il prend une bombe de peinture noire…

 

Se précipite dans la rue. La peluche en main, il se retrouve peu après devant la maison de Charlotte. Non pas pour lui annoncer La Bonne Nouvelle prédisant qu’une certaine Marie de Nazareth allait se retrouver enceinte, sans que son mari y soit pour quelque chose (la bonne nouvelle que voilà!), non juste pour lui crier ceci sous sa fenêtre: « Tu vas pouvoir ramener ton sosie à ce petit merdeux de Kevin ». Charlotte se penche par la fenêtre. Voit une tache noire bordée d’un reste de blancheur sur le seuil de la porte. Au loin, un gars fuit en courant. Il a des ailes dirait-on. Mais les ailes de Gabriel ne sont plus des parures d’ange.

Quelques jours plus tard, au moment du coulis aux framboises, lorsque sa mère lui demandera d’une voix faussement neutre: « Et Gabriel? », Charlotte répondra sur le même ton distancié : « Rien. »

Juste cela, un « rien » qui formera un « tout ».

Autres regards dans le rubrique « photos »…A dimanche prochain j’espère. Un homme élégant vous attendra… Bon dimanche et bonne semaine.

 

L’un, l’une

 

L’un(e) aime l’un(e).                                        

  …. poème à lire dans la rubrique « ECRITS »….

 

                                                              

Le dimanche est un bruit avant d’être un parfum.

Il est le bruit  délicat des pages du livre de recettes que l’on tourne, flatte, palpe avec mille précautions.  Le dimanche est le bruit des associations surprenantes de mots câlins d’où émanent déjà les senteurs de repas: Gâteau au Fromage et aux Framboises, Pâtes Arc-en-Ciel au Jambon Italien, Cappuccino Frais de Roquette et Parmesan, Salade de Lotte aux Courgettes, Papillotes de Poisson au Thon et Tomates Fraîches…

De l’Ame de ces Sons se dégagent des odeurs uniques et  

le dimanche devient  une infusion, une audace, un zeste.

Il est alors un sanctuaire  consacré au parfum du Thym de Berger, du Safran, de la Menthe Poivrée,du Pain Grillé, de la Fumée de Cacao Chaud, du Caramel Fondu, de l’Ail d’Espagne, du Gingembre…

Jésus sait tout  cela. MAIS pour lui ce dimanche recèle un fumet particulier, comme si Led Zeppelin venait de se reformer. Mieux, comme si La Main Mystérieuse avait créé un huitième jour qui serait un

« Dimanche Bis »
 
 
Jésus s’est installé en apesanteur sur le Mont Sinaï…

Il médite.

 Sa boite crânienne ressemble à un bureau d’architecte rempli d’équerres, de compas, de tables à dessin inclinées et du logiciel architecte3D pour Mac.  

 Jésus construit

une  cathédrale de mots,                                                                                                                                                                                                      

 il compose un poème en mélangeant dans le wok dominical légumes et morceaux de poulet au paprika et au miel. Marie lui jette de temps en temps un coup d’œil souriant puis se replonge dans la préparation du patron d’un pantalon qu’elle espère voir un jour porté par Brad Pitt (c’est en tout cas de cette façon que la responsable de la boutique de mode a cru la motiver). Marie est devenue le Dieu le Père de Jésus. Il a désormais besoin de son acquiescement pour tout ce qu’il entreprend. Et ce dimanche, il espère que le poème désormais structuré à sa convenance recevra la bénédiction de Marie.

       –  Je mets le wok au numéro 2, dit-il.

       –   Mets-le plutôt sur 3, dit-elle.

Marie a toujours son mot à dire.

Le wok  ronronne, le wok permet au temps de rester libre le dimanche. Jésus s’éclipse hors du regard de Marie, prend son appareil numérique Canon 40D et fait quelques clichés en se référant à son texte.

      –  Place-le  au numéro 2, lui dit Marie sans relever la tête cette fois.

Marie a toujours son mot à dire.

 Installé derrière son ordinateur, Jésus n’a pas entendu: il  incorpore dans le disque dur son poème illustré de cette manière :

 

L’un, l’un(e)  – poésie du dimanche –

Illustrations

L’un(e) aime l’un(e)                                MAIS  !!!! SI……                   l’un(e) est sans  l’un(e)                          

1)      Version « végétal » :

 

 

 

                    →  

 

 

 

 

 

 

 

 

 

                                    

 

 

 

 

2)      Version « animal » :

 

 

 

           

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

      

 

 

 

3)      Version « confiture» :

 

 

 

       

 

 

Arrivé à la version suivante intitulée

« homo sapiens sapiens »,

 il se plait à l’idée d’avoir l’air aussi ridicule que son Célèbre Homonyme lorsque Ponce Pilate décida de gracier Barabbas.   

Aussi, sans hésiter, il inclut ces photos intimes…très intimes…

               !!!!→                                                                

… et il envoie le courriel à marieatoujoursonmoadir@hotmail.com

 

Le dimanche midi possède des ailes.

Il les déploie pour Jésus aujourd’hui sur le bord des assiettes, dans le contact métallique des couverts, sous l’ombre radieuse du paprika sucré de miel.

–          Délicieux ce wok, lui dit Marie.

–          Vraiment un délice, ajoute Charlotte.

L’après-midi est ce délice.

–          Charlotte a un nouveau petit copain. Il s’appelle Gabriel, lui dit Marie lorsqu’elle se retrouve seule avec Jésus. (elle dit « notre » fille à présent)

–          Après celui qui se conduisait comme un démon, un  ange ; ça va la changer… dit Jésus.

–          Si Gabriel est un ange, elle va tomber enceinte ! plaisante Marie.

–          On ne rit pas avec cela, dit Jésus.

–          Tu veux bien débarrasser la table seul aujourd’hui, je dois encore terminer ce fichu patron.

–          A cette condition-ci : tu allumes  ton ordi, et tu lis le mail  que je viens de t’envoyer.

SANS LE GRIFFER, « éponge côté doux“ sont les instructions, Jésus s’affaire à laver le wok qui est interdit de lave-vaisselle.

Marie a toujours son mot à dire.

 Marie s’affaire à lire le message. Marie sourit. Et quand Marie sourit, l’ange Gabriel lui-même rougit.

–          J’arrive, j’en ai pour une minute, lance-t-elle. Une minute ou deux.

Jésus n’est pas pressé, Jésus est

 ressuscité

depuis ce dimanche où il plut une gifle, UNE SEULE – UNE GIFLETTE – (et aujourd’hui Marie se trouve en accord avec ce nombre), Jésus se sent immortel. Et l’immortalité apporte une autre dimension au temps qui passe.

Marie s’éclipse à son tour pour prendre quelques clichés avec son appareil numérique Canon Ixus rose fuchsia en se référant à son tour au poème reçu. Puis elle répond au mail de son mari  avant de le rejoindre.

–          Merci pour la vaisselle, lui dit-elle.

–          Un morceau de tarte et une tasse de café ?

–          A  cette condition-ci : tu allumes ton ordi, et tu lis le mail que je viens de t’envoyer.

Jésus est pressé, c’est peut-être la fin du monde ce courriel, une nouvelle crucifixion.

 Jésus n’a jamais été sûr de lui. Jésus déteste les énigmes, lui qui n’est pas Celui qui nous en a laissé une belle d’énigme en ne niant pas être le Fils de Celui-là Qui Trône Quelque Part A Se Foutre De Nos Problèmes Terrestres. Lorsqu’il ouvre sa boite de réception, Jésus est un bonze vietnamien qui s’immole par le feu en criant « Paix au Vietnam ». Les  joues brûlantes d’impatience, il y découvre ces phrases et ces images :

Cher Poète, tu sais à quel point je vis dans les détails ; voici donc quelques  objets abandonnés à leur triste sort par leur partenaire. Redescends de ta Mer de la Tranquillité et atterris…

Une des deux ampoules ne fonctionne plus à la salle de bain, elle se meurt de douleur…Fais quelque chose.

Le frigo se sent seul sans ces ingrédients, voici la liste qu’il t’a laissée. Demain lundi, le supermarché est ouvert…

L’éplucheur pleure sans ses épluchures… Demain, console-le (frites au ketchup sans pantalon :)))))) )

Le joint a fui du robinet …Retrouve-le… Place un avis de recherche…Agis…

La pelle pour les merdes du chien, c’est  un …souci… Pas besoin de te faire un dessin… :))))))))))))

A cet endroit de sa lecture, Jésus relève la tête.

Ce dimanche est une sorte de 25 décembre .

 Jésus le Nouveau Né sourit. Et quand Jésus sourit, le ciel s’ouvre. C’est un peu comme si Dieu le Père de l’Autre lui tendait les bras

A cet endroit de sa lecture, apparaissent ces mots  :

 Mais avant de t’atteler à toutes ces corvées, je t’accorde un repos bien mérité.

Vive le farniente!!!!     Et dans ce Rienfoutre tes bras autour de mon cou…

Y a pas à dire : cette femme, Marie, sait parler à son mari…

                                                                                                                 Merci de votre passage/Belle semaine/  

Actuellement sur rubrique  photos:  1. RougE 2. BleU.   Prochain article : Dimanche 26 septembre : « Elle le força à scruter son regard – partie 1 » /  Dimanche 3 octobre : « Elle le força à scruter son regard- suite et fin »

Si vous appréciez, ce serait chouette si vous pouviez signaler ce blog autour de vous… Comment on dit? Ah oui   » D’avance merci… »

A la première gifle…

Dimanche, jour des résolutions…

Première partie.

A la première gifle, Marie se tapit

dans un flou de lumière.

Elle avait encore un peu d’espoir ; cela ne dura pas longtemps.

Elle entendit

ses pas et sa voix rugueuse: 

 

 

« C’est pas vrai, je le crois pas ça, t’es même pas capable de me servir mon apéro sans saloper mon pantalon, un tout nouveau pantalon. »

 

Puis

elle entendit

 la porte de la salle de bains claquer. Elle eut donc un moment de répit, se releva et voulut préparer le repas. Tout ce qu’elle réussit à entreprendre fut de s’installer derrière cette horrible table noire qu’il avait cru bon acheter à la brocante dominicale, et de courber encore un peu plus les épaules.

Dans les gouttes de sang qui témoignaient de sa souffrance intérieure,

 elle entendit

 les paroles de sa mère peu avant son mariage : «  Une fille qui s’appelle Marie n’épouse pas un gars qui se prénomme Jésus. Marie était la mère et la servante de Jésus, ce type qui appelait sa mère  « Femme »!!!   A le voir se comporter avec toi comme  si tu étais sa chose, il fera pareil , tu vas être à son service, je te le dis, à son service !!! ».

 Après la naissance de Charlotte ( « ma » fille disait-elle à présent, jamais « notre » fille), ces prédictions s’étaient révélées exactes; elle avait  accepté de mettre fin à son contrat de couturière dans une maison de mode de la capitale.                                                                                                                                                                                                                                                                                                        Elle s’était laissé aller à

devenir sa chose à disposition…
 Mais c’était la première fois qu’il la giflait.

 ( La vérité veut qu’il ne l’ait pas vraiment giflée, juste repoussée; et qu’elle s’était cognée sur le coin de la table. Elle qui se cachait – à cette période de sa vie – dans un endroit sombre de sa dépression,  ne survivait qu’en effectuant quelques écarts  avec la réalité… Après tout, des milliers de terriens croient en la virginité de Marie de Nazareth  sans qu’ils aient à se faire soigner dans un hôpital psychiatrique… )

 Quand il revint de la salle de bains vêtu de son ridicule boxer dans lequel il pensait pouvoir toucher le gros lot à chaque fois, il s’excusa, justifia sa brusquerie par le stress au boulot, la pression quotidienne, la bêtise agaçante et insupportable de ses collègues, et … le prix de son pantalon . S’excusa encore, assura qu’il l’aimait et commit l’irréparable: il voulut la prendre dans ses bras.

Car ce que Jésus ignorait était cette évidence : dans cet enjambement de la vérité et

 dans ces gouttes de sang,

Marie avait également perçu  qu’un jour

elle oserait… 

Et ce jour, dénommé fortuitement

« ce dimanche »,

venait d’arriver.

 

Elle osa!

OSA!

Elle se leva, se dirigea d’un pas ferme vers le frigo et en sortit ce qui allait devenir l’arme du délit…  

 

 

Au temps passé, si peu passé, elle eut pris un bocal de confiture de groseilles rouges. 

Mais au temps de ce présent reconquis où elle commençait à

se hisser sur la pointe des pieds,

 elle se rendit compte que gaspiller cette confiture faite maison (1kg de fruits pour 100g de sucre fin, 100g de sucre gel fix  et quelques gouttes de citron – écraser et laisser macérer quelques heures, porter à ébullition …) était

 un sacrilège.

Aussi elle sortit  du frigo ceci                                      

 

 

 

 

 pour asperger de cette viscosité rougeâtre cela

 

 

 

 

Marie croisa les bras et toisa Jésus :

« Tu vas pouvoir le bouffer avec tes frites ! »

 lui cria-t-elle. 

Jésus considéra cet assaut comme une déclaration de guerre. Il se sentit crucifié  MAIS ne tendit pas la joue droite tant

 le sacrilège

 lui devint insupportable… 

La deuxième gifle

 (la première selon le point de vue) fut une vraie gifle cette fois, quoique légèrement adoucie par un retrait perceptible dans le geste dont la trace laissait une impression de regret, exprimait le souhait de supprimer la scène de cette amère, dangereuse et pitoyable comédie.

A cette gifle, Marie perdit sa flamme et aperçut  le vide de sa vie.                     

                                                                                                     Mais le coin était enfoncé dans la saignée, alors elle se redressa                                                               

    

 

et

OSA

 une nouvelle fois : « T ’as pas su résister à la tentation, Jésus ! Fallait que tu le fasses hein, depuis le temps que ça te démangeait ! »

 Elle prit les clés de la Peugeot 307 SW, et sortit précipitamment. Jésus lui cria : « Et Charlotte ? » Elle fit semblant de ne pas entendre, claqua la porte.

Chez ses parents, elle retrouva sa fille qu’elle appelait toujours d’un nom d’oiseau (« ma mésange, mon merle, mon rouge-gorge »)  et un court espace de dimanche paisible. Le visage défait, où l’on sentait malgré tout un frémissement de sérénité, elle expliqua par le détail les pourtours de ce qu’elle appela l’incident

Douée pour sonder avec justesse les regards,            elle lut dans celui de son père : « tu es certaine de ne pas l’avoir provoqué ! », dans celui de sa mère : « je te l’avais bien dit… » et dans celui de Charlotte : « J’ai appris, depuis ce temps où je me prenais pour un oiseau au milieu des déchets de fils à coudre, à faire le tri parmi les comportements des terriens. J’ai fait le tri et j’ai choisi. J’ai notamment décidé que ma référence féminine ne serait pas celle d’une femme qui vit tête baissée ! »

Alors, Marie osa ! OSA encore !

Retourna seule chez elle, affronta le regard de Jésus, haussa les épaules et lui dit : « Tu as le choix. Ou tu me fais le coup du jamais deux sans trois : tu me gifles une nouvelle fois et je te quitte. Ou tu acceptes que je reprenne mon boulot, tu apprends à te servir  ton apéro tout seul et j’ouvre cette fenêtre pour respirer enfin le plaisir de me sentir présente. Mais crois-moi, c’est vraiment la dernière fois que tu me touches. »

Jésus voulut affirmer qu’il ne l’avait giflée qu’une seule fois, et encore, avec regret. Mais il sentit ce propos déplacé.  Ne sachant que dire, que faire de ses gestes devenus pesants, où placer ses doigts de pied, son coude, ses épaules,   ni quelle  expression se donner il se décomposa en tranches de tomates au cul noir.

 Sa tête désolée devint celle d’un Jésus qui aurait changé l’eau en pisse de chat, ou aurait multiplié le pain de 600g par le nombre fractionnaire 2/100 ; soit 12 g pour nourrir des centaines d’immigrés palestiniens, un coup à se faire lapider comme une Magdalena des bas-fonds de Nazareth.

Il ne savait exprimer ses sentiments que dans les variantes de gris, alors il dit simplement : « J’ai profité de ton absence pour ranger la maison, aspirer les morceaux de fils qui traînaient sous ta machine à coudre, acheter du ketchup chez l’épicier du coin, jeter mon short ridicule dans la poubelle et mettre mon pantalon dans la machine à laver . Faudrait juste que tu me dises  le programme que je dois choisir, la quantité de lessive liquide et d’assouplissant à mettre. » 

Y a pas à dire : ce type, Jésus, savait parler à sa femme… 

Elle sourit.

 

 

 

 

 

 

……………………..Merci pour votre présence… Bonne semaine… Dimanche prochain:   « l’un aime l’une » -partie 1 ( rubriques articles +  Ecrits)…………………………………….